gros plan sur raisin rouge récolté à la main par un viticulteur

Bioprotection de la vendange : enjeux et défis | Sitevi

Bioprotection de la vendange : où en est-on en 2023 ?

gros plan sur raisin rouge récolté à la main par un viticulteur

 

Lors de l’édition 2021 du SITEVI, la bioprotection des vendanges a été un sujet phare. En effet, depuis plusieurs années, la question de l’optimisation de la protection phytosanitaire fait partie des préoccupations majeures soulevées par les viticulteurs.

Start-up, firmes et autres instituts sont constamment à la recherche de solutions technologiques innovantes pour répondre aux problématiques viticoles actuelles. 

Dans cette optique, les IFT (indices de fréquence de traitements) ont pris petit à petit une importance capitale dans le secteur. La hausse de la HVE (Haute valeur environnementale) continue quant à elle de se poursuivre avec des pourcentages en augmentation en 2020 (+52 % en six mois). Ce chiffre traduit la volonté des viticulteurs de s’inscrire davantage dans une transition agroécologique.

Qu’est-ce que la bioprotection ?

La bioprotection de la vendange représente aujourd’hui un enjeu majeur du développement durable. Il s’agit de limiter les effets néfastes sur la qualité sanitaire du vin et éviter par la même occasion des pertes alimentaires de grande envergure.

C’est une alternative au rôle antiseptique du SO2 (dioxyde de soufre) en phase préfermentaire. En pratique, la bioprotection implique d’ensemencer des micro-organismes connus et maîtrisés (levures et/ou bactéries à faible dose) sur le raisin (ou sur moût) pour contrôler le développement de la flore indigène. Cela représente également une protection efficace contre les risques microbiens en début de processus œnologique et en amont des fermentations.

Les principaux avantages de la bioprotection

  • Peu de risques de déviations
  • Peu d’amines biogènes
  • Réduction de l’utilisation des sulfites
  • Moins d’amertume dans les vins et plus de complexité aromatique
  • Une pureté aromatique grâce à moins de composés soufrés négatif

Pour les viticulteurs, adopter la bioprotection permet des pratiques culturales plus respectueuses de l’homme mais aussi de l’environnement. Du côté des consommateurs, c’est la garantie d’acheter des produits sains, sans sulfites et allergènes.

Quels sont les facteurs de l’altération du vin ?

En œnologie, les populations de micro-organismes de la vigne se composent de différents éléments : levures, bactéries aérobies, moisissures, champignons, etc. La microflore est présente de façon minoritaire, sur raisin ou sur chai (levures Saccharomyces, non-Saccharomyces, bactéries acétiques, germes d’altération et bactéries lactiques).

L’altération du vin peut être causée par différents phénomènes :

  • Changements de conditions du milieu lors de l’entrée du moût en cave : changement de température, production d’alcool, SO2, absence d’oxygène, niveau d'acidité et pH, etc.
  • Toxine killer : composé protéique présent dans de nombreuses espèces et ayant un effet antimicrobien
  • Quorum sensing : production de molécules de signal entraînant un changement de l’expression génétique

Les bonnes pratiques de mise en œuvre de la bioprotection

  • Vérifier l’état sanitaire des moûts avant de procéder à la bioprotection
  • Atteindre une colonisation totale du milieu supérieure à 90 % de la population des levures
  • Prévoir des alternatives aux sulfites pour la gestion de l’oxydation
  • Levurer avec un LSA (levure sèche active)
  • Rester vigilant sur les niveaux de nutriments azotés présents
  • Gérer la température du moût
  • Les micro-organismes sélectionnés doivent être qualitatifs et aptes à entrer en compétition avec le microbiote naturel des moûts

Il est recommandé d’éviter d’utiliser des levures Saccharomyces ou non-Saccharomyces fermentaires pour un processus de bioprotection sur du vin blanc ou rosé. En effet, cela présente un risque de déclenchement précoce de la fermentation alcoolique avant la fin du débourbage. Pour ce qui est du vin rouge, il est préférable d’éviter un levurage après utilisation de Saccharomyces ou un non-levurage après utilisation de non-Saccharomyces.

L’application de la bioprotection dans deux contextes donnés

un viticulteur vaporise son vignoble pour le protéger des maladies

Claudie Roulland, ingénieure d’étude et responsable du laboratoire de microbiologie de la station viticole, a eu recours à la bioprotection dans un vignoble de Cognac et ce, en partenariat avec des entreprises de produits œnologiques.

Après contrôle d’implantation des souches dans les moûts après débourbage, l’implantation a été réussie dans 90 % des 47 lots testés. Ce processus est toutefois contraignant sans utilisation de SO2, notamment en termes de timing et possède certaines limites d’utilisation (millésime froid, pourriture, colonisation du chai par les LSA, etc).

Inter Rhône, rassemblement de professionnels de la viticulture et du négoce de la vallée du Rhône, a recherché les limites de la bioprotection en cas de flore d’altération dans le moût et de pratique œnologique à risques. Après vendange des raisins, foulage, éraflage, 10 000 cellules de flore d’altération par mL ont été ajoutées puis le lendemain matin, du bioprotectant. Après la macération préfermentaire, les levures ont été introduites. Au final, le vin est déclaré non commercialisable (oxydation, phénols, bactéries acétiques, etc.). Dans ce cas précis, la bioprotection n’a pas été une solution miracle sur des raisins altérés.

 

État des lieux des avancées dans le domaine

La bioprotection a fait l’objet depuis plusieurs années d’un certain nombre de projets et essais terrains dans les régions viticoles. Ces derniers s’appuient à la fois sur des souches levuriennes et bactériennes. Les principaux objectifs sont alors d’évaluer l’efficacité du processus, comprendre son mode d’action et optimiser les modalités d’utilisation.

À l’heure actuelle, les retours d’expérience mettent en lumière une efficacité variable du processus. La bioprotection n’est pas une alternative complète au SO2. Pour un résultat plus complet contre les risques d’oxydation des moûts et les pertes aromatiques, il est recommandé de coupler cette technique avec d’autres pratiques de protection. De plus, la bioprotection ne signifie pas toujours biocontrôle puisque la souche ne colonise pas en permanence l’ensemble du milieu.

La levure de bioprotection peut gêner la réalisation de la fermentation alcoolique car un phénomène d’incompatibilité peut voir le jour et ralentir la FA. Lors du processus de bioprotection, ce sont principalement des levures non-saccharomyces (Metschnikowia, Torulaspora delbrueckii, Pichia kluyveri, etc.) qui sont préconisées. Cependant, les levures n’illustrent pas la seule bioprotection possible en œnologie. Ajouter des bactéries lactiques (Oenococcus oeni) lors de la phase de préfermentation alcoolique est également une solution pour diminuer les risques d’altération microbienne.

La bioprotection limite le développement des flores indigènes des moûts, si elle est effectuée dans certaines conditions optimales. Cette alternative au SO2 doit être validée après avoir réalisé un prédiagnostic microbiologique avant vendange. Cependant, malgré les avantages que le procédé reflète, cela ne protège pas systématiquement de l’oxydation.